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Vignobles, forêts, un investissement sous le signe du plaisir

 L’attrait pour la pierre s’accompagne volontiers d’un appel de la forêt ou de la vigne. L’investissement immobilier viticole et sylvicole, s’il tente chaque année de nombreux candidats à l’achat, repose cependant sur une logique dégagée de la recherche de rentabilité. Place à la passion et à la transmission générationnelle, sous le signe du retour à la terre.

 

Contrairement aux idées reçues, la forêt française ne diminue pas. Depuis la seconde moitié du XIXe siècle, elle ne fait même que croître : selon l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), elle couvre aujourd’hui 17 millions d’hectares soit 31 % du territoire métropolitain. Ce qui représente la plus importante occupation du sol après l’agriculture. Cette progression semble même s’accélérer, ainsi la forêt a-t-elle grandi de 20 % sur les 40 dernières années. Comment l’expliquer ? Plusieurs facteurs entrent en jeu, à commencer par lereboisement de nombreuses anciennes terres agricoles et dans une moindre mesure par les changements climatiques, qui favorisent la croissance et la productivité de certaines espèces d’arbres. Autre idée reçue qu’il convient de faire tomber, la puissance publique n’est pas pour grand-chose dans cette croissance forestière. Si les surfaces boisées ont augmenté de 1,7 million d'hectares ces 20 dernières années, ce fut pour 1,4 million d’hectares le fait de l’initiative privée. 

« La forêt privée tient une place centrale au sein de notre société puisqu’elle représente 75 % du couvert forestier français et appartient à plus de 3,3 millions de citoyens, estime Antoine d’Amécourt, président de Fransylva (la fédération des syndicats de forestiers privés) et du Centre National de la Propriété Forestière. Au quotidien, plusieurs dizaines de milliers de français sont réellement engagés dans la gestion de la forêt qui se situe à l’amont d’une filière employant près de 400 000 personnes, souvent sur des territoires ruraux où l’emploi est crucial ». Les trois quarts de la surface forestière métropolitaine, soit près de 13 millions d’hectares, appartiennent en effet à des propriétaires privés contre un quart de forêts publiques réparties entre les forêts domaniales (1,5 million d’hectares) et les autres forêts publiques (2,6 millions d’hectares). Les forêts domaniales sont la propriété privée de l’Etat. Les terrains publics, comme les forêts communales, appartiennent généralement à des communes mais aussi à d’autres collectivités locales ou à des établissements publics. 

 

Un savoir-faire qui ne s’obtient qu’avec les années

Quid sur le plan immobilier ? Les spécialistes sont unanimes, on ne fait pas fortune en plantant des arbres… En revanche, dans l’optique d’un investissement patrimonial à long terme sous le signe du développement durable, l’aventure mérite d’être tentée. Les Français seraient même de plus en plus nombreux à acheter des parcelles comprises entre 1 et 10 hectares, guidés par une certaine volonté de retour à la nature et aux valeurs traditionnelles. « Acquérir une forêt pour la transmettre à ses enfants ou à ses petits-enfants, c’est leur permettre de la voir évoluer et se transformer, raconte Fabrice Betton, gestionnaire forestier indépendant. Il y a dans cette démarche un aspect émotionnel qui prime sur la notion de rentabilité financière ». Qu’en est-il de celle-ci ? « Une forêt est un capital qui croit chaque année mais sa valeur dépend de sa qualité et de son volume. Si la rentabilité brute théorique est d’environ 1,5 à 2 % de la valeur de la parcelle, il faut avoir en tête qu’elle dépend des revenus liés à la coupe du bois, qui par nature peuvent être très espacés dans le temps ».

Acheter une forêt est assez simple, du moins sur le papier. Certaines agences immobilières en ont fait leur spécialité, avec une offre très large, allant de quelques hectares de bois nus à des propriétés de plusieurs centaines d’hectares comportant ou non des éléments bâtis. Pour des prix moyens d’environ 4 000 à 5 000 € l’hectare de bois non bâtis. La rentabilité de l’opération dépendra des essences en place, de leur maturité, de leur prix de vente lors de la coupe et des charges liées à l’exploitation. « Il peut être tentant d’entretenir et de gérer soi-même sa forêt, ajoute Fabrice Betton. Mais cela demande un savoir-faire qui ne s’obtient qu’avec les années et une vision à long terme tenant compte des aléas liés au réchauffement climatique. Mieux vaut faire appel à un gestionnaire rémunéré au forfait ou au pourcentage de la vente de bois, qui saura penser avec un horizon de 50 ou 70 ans ». Du côté de Fransylva, on insiste sur l’atout que représente la forêt face aux changements climatiques, en la qualifiant de « pompe à carbone stratégique pour notre territoire »

Autre possibilité pour les citadins en mal de verdure, investir dans un groupement forestier qui prendra en charge l’intégralité de la gestion de la forêt, jusqu’à la vente du bois et l’éventuelle perception des loyers de chasse et de pêche. Il en existe deux formes, les groupements fonciers forestiers (GFF), qui rassemblent jusqu’à 150 adhérents leur confiant la gestion de leur actif, et les groupements forestiers d’investissement (GFI), créés en 2019 et fonctionnant sur le principe d’une SCPI. Une solution indirecte certes moins romantique que l’achat d’une forêt en pleine propriété, mais qui bénéficiera globalement des mêmes avantages fiscaux : 

  • Exonération de la taxe foncière pendant 10 à 50 ans selon l’essence et sa date de plantation ;
  • Abattement de 75 % sur l’assiette fiscale de l’IFI et sur le calcul des droits de succession ;
  • Exonération de taxe sur la plus-value lors de la vente.

Les propriétaires forestiers privés peuvent par ailleurs bénéficier du « dispositif d’encouragement fiscal à l’investissement en forêt » (DEFI). Selon le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, cette mesure consiste en un crédit d’impôt pour les contribuables domiciliés en France réalisant des investissements forestiers (acquisitions, travaux, cotisations aux assurances). Trois types de dépenses peuvent permettre de bénéficier d’un crédit d’impôt : 

- DEFI Acquisition : acquisition de bois, de terrains à boiser, de parts de groupements forestiers ou de sociétés d’épargne forestières (crédit d’impôt de 25%, plafonné à 6250 € pour une personne seule et 12 500 € pour un couple) ;

- DEFI Assurance : coût de la cotisation d’assurance comprenant le risque tempête ou incendie (crédit d’impôt de 76 % plafonné) ;

- DEFI Travaux : réalisation de travaux forestiers sans seuil plancher sous condition d’avoir un document de gestion durable (crédit d’impôt de 25 % plafonné). 

 

Jouer la carte de la complémentarité entre essences

« Quelles que soient les incitations fiscales, elles ne font pas de la forêt une bonne opération financière car les revenus tirés du bois n’interviennent que lors de la coupe de celui-ci, alors que les charges d’entretien courent sur des décennies, tempère Thierry Guionin, administrateur de Fransylva Puy-de Dôme et coauteur du Passeport pour la fiscalité forestièreLes particuliers doivent garder en tête qu’ils achètent des bois et des forêts pour les léguer aux générations futures. Si l’on plante un chêne aujourd’hui, c’est pour le couper dans 120 ans ! ». Attention donc à choisir la bonne espèce, toutes n’étant pas compatibles avec le réchauffement. C’est le rôle des experts forestiers, qui jouent la carte de la complémentarité entre les différentes essences, les plus rapides à se développer protégeant les autres de la sécheresse.

Voici donc la forêt parée - à juste titre – de toutes les vertus ; chargée d’abriter la biodiversité, de purifier l’air et l’eau, de fournir un matériau écologique aux multiples usages, notamment dans le secteur du bâtiment, et de structurer durablement nos campagnes et nos paysages. Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, l’organisme interprofessionnel France Bois Forêt annonce que le prix d’achat du bois sur pied a augmenté de 17 % en 2022 par rapport à 2021 à 94 €/m3 toutes essences confondues. Ce niveau devrait perdurer dans les années à venir : il s’agit selon France Bois Forêt de « rémunérer correctement ce matériau renouvelable et local, qui a un rôle essentiel à jouer dans la décarbonation de l’économie et la souveraineté du pays ». De quoi convaincre les réticents 

 

Qu’est-ce qu’une forêt ? La définition de l’IGN

La forêt est un territoire occupant une superficie d’au moins 50 ares (0,5 hectare) composé d’arbres pouvant atteindre une hauteur supérieure à 5 mètres à maturité, un couvert boisé de plus de 10 % et une largeur moyenne d’au moins 20 mètres. La définition de la forêt comprend également les bois, dont la superficie est supérieure à 4 hectares, et les boqueteaux dont la superficie s’étend de 50 ares à 4 hectares. En revanche, les bosquets n’excédant pas 50 ares sont exclus de cette définition. 
Les propriétaires de forêts privées peuvent ouvrir ou non leur propriété au public, la majorité d’entre eux choisissent de la laisser en accès libre. 

Source : Institut national de l’information géographique et forestière

 

Les feuillus font la course en tête

La forêt française métropolitaine se compose à 65 % de feuillus (chênes, hêtres, châtaigniers, charmes, frênes, etc.) situés en plaine ou à moyenne altitude. Les conifères (pin maritime, douglas, épicéa, etc.) représentent quant à eux 22 % de la superficie forestière et se situent essentiellement en zone montagneuse, dans le massif des landes de Gascogne et plus récemment dans l’ouest de la France. Les 13 % restants sont des forêts à essences mixtes.

Source : Institut national de l’information géographique et forestière

 

 La 2e vie des néo-vignerons

Autre domaine dans lequel l’investissement relève principalement de la passion : la vigne. Qu’ils soient à la recherche d’un achat plaisir ou d’une diversification patrimoniale dans une valeur refuge, les amateurs de domaines viticoles sont toujours aussi nombreux. Ce marché intéresse des acheteurs aux profils fort différents, le plus courant étant celui de chefs d’entreprise français ou européens désirant prendre leur retraite mais ne souhaitant pas pour autant cesser toute activité, tout en voulant s’assurer des revenus complémentaires. Ils recherchent en priorité une jolie propriété de villégiature avec une vigne de 5 à 25 hectares, pour produire un vin de bonne tenue qu’ils pourront servir à leur table. Les spécialistes les appellent les « néo-vignerons » ou « entrepreneurs du vin ». Il leur faudra arriver avec un solide concept marketing et éventuellement miser sur l’œnotourisme pour s’imposer sur ce marché qui ne les attend pas ! 

A côté de ces passionnés, il existe bien sûr des professionnels voire des industriels de la filière, qui achètent dès qu’ils le peuvent des vignes supplémentaires pour s’agrandir. Notamment en Provence, dont l’engouement pour le rosé constitue un phénomène sans précédent au niveau mondial. Et à l’autre extrémité des acheteurs à la recherche d’une simple résidence (secondaire ou principale) de charme et qui auront un coup de cœur pour un bien comportant de 1 à 5 hectares de vigne d’agrément. Quitte à en sous-traiter l’intégralité de l’exploitation auprès d’un vigneron local.

« Côté prix, tout dépend évidemment de la région concernée, précise Edward Lawton, président de Lawton Transactions, membre de l’association WI&NE. Une propriété vue comme un investissement plaisir avec une maison et 3 à 5 hectares de vignes vaudra environ 1 million d’euros en Languedoc, deux millions en Bordelais et à partir de 5 millions en Provence. Pour un investissement patrimonial avec 10 à 15 hectares de vignes, auquel cas les appellations entrent en jeu, il faudra compter 2 millions d’euros en Languedoc et 5 millions en Bordelais. La Provence voit pour sa part ses prix s’envoler vers des sommets depuis une dizaine d’années ; au-dessus de la barre symbolique des 10 millions d’euros pour une propriété de ce type. » 

Comment se définit la valeur d’une propriété viticole ? Il convient de différencier le bâti, dont le prix repose peu ou prou sur les mêmes règles que celle de l’immobilier résidentiel classique, et la vigne avec son outil de production et ses dérivés, notamment la marque et son éventuelle notoriété. Voilà pourquoi il convient de s’adresser en priorité aux agents immobiliers spécialistes de ce secteur. « Un hectare de vigne produit 5 000 à 6 000 bouteilles par an en appellation d’origine contrôlée, ou AOC, poursuit Edward Lawton. La valorisation de l’hectare repose donc sur le prix de la bouteille au départ de la propriété. À Pomerol où une bouteille se vend au minimum 40 euros, on pourra très bien vivre sur une propriété de 2 hectares. Alors qu’en Languedoc, à part dans quelques appellations très cotées, le chiffre d’affaires de 2 hectares suffira à peine pour payer l’essence du tracteur ! »

 

La perte de vitesse des bordeaux rouges génériques 

Avec de grands écarts en matière de prix, le marché des vignes françaises s’est montré très dynamique en 2022 : la FNSafer[1] a enregistré près de 9 500 transactions, soit +1,1 % par rapport à 2021, année déjà considérée comme remarquable (source Vitisphère). Les ventes de 2022 se sont partagées entre vignes pures (9 070 transactions, +1,2 %) et domaines (430 transactions, -1,2 %). Autre indice de la vigueur de ce marché, le prix moyen des vignes AOP s’est établi à 151 200 €/ha (+2,3 % en un an). Tout irait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes viticoles ? Hélas non, le bordeaux rouge générique connaît une véritable crise liée à une chute de ses ventes et du prix moyen de sa bouteille. Après 15 ans de hausse, l’hectare y a perdu un tiers de de sa valeur en quatre ans, autour de 11 000 €, ce qui conduit de nombreux exploitants à l’arrachage pur et simple faute de rentabilité. Alors qu’à l’opposé les appellations bordelaises les plus prestigieuses s’établissent sans ciller entre 2 et 3 millions d’euros l’hectare, avec des prix de vente par bouteille relevant de la spéculation à l’échelle internationale.

 

Le privilège d’offrir sa propre bouteille 

Est-il raisonnable de se lancer en 2023 ? « Près de la moitié des investisseurs ne connaissent pas les métiers de la vigne et du vin avant de se jeter à l’eau, assure Michel Veyrier, le président fondateur du réseau spécialisé Vinea Transaction. Ce qui n’est pas en soi un obstacle ! La passion et une expérience précédente dans les affaires ou le commerce peuvent suffire, à partir du moment où l’expertise technique est apportée par une équipe déjà en place ou à recruter au moment de l’achat du domaine. » Gagne-t-on de l’argent avec un domaine viticole ? « La rentabilité est un gros mot dans notre métier, s’exclame Edward Lawton. Elle n’est pas financière, elle vient du plaisir de la terre et du privilège de boire ou d’offrir une bouteille issue de sa propriété. Si l’on recherche une rentabilité pure, mieux vaut se tourner vers l’immobilier non viticole. » Un constat partagé par Michel Veyrier, pour qui « ceux qui ont connu une première vie professionnelle accomplie savent que l’intérêt de l’achat d’un domaine viticole réside en partie dans la fiscalité, qui permet de gommer la plus-value engendrée par la vente d’une entreprise précédente en cas de réemploi des fonds, même si des règles sont à respecter. Il est clair que l’on ne gagne quasiment rien via le bien lui-même au quotidien et il faut voir le jour où on le vend ou lorsqu’on le transmet à ses héritiers. Notamment parce que la transmission des terres agricoles se fait à titre quasiment gratuit aux ayants droit s’ils respectent certaines conditions d’exploitation ultérieure ». Les parts de sociétés de propriété viticole peuvent être considérées comme un outil professionnel, certains montages permettent donc une exonération totale ou partielle de l’IFI. Mais le réseau Vinea Transaction avertit noir sur blanc ses clients potentiels qu’un domaine viticole doit être considéré comme un lieu de vie hors du commun et non un lieu de profit. Avec un objectif : que la faiblesse des bas de bilan (bénéfices) soit a minima compensée par les plus-values de haut de bilan lors de la cession.

 

Des cartes rebattues sur le plan mondial

La vigne, tout comme la pierre, garde envers et contre tout son statut de valeur refuge. Chaque année, des acheteurs nord-européens et américains frappent à la porte du vignoble français pour s’y faire une place au soleil. « Ce sont généralement d’excellents connaisseurs du vin qui veulent se lancer dans une nouvelle vie sans impératif de rentabilité élevée, conclut Edward Lawton. Côté français, ce sont le plus souvent des familles ou des family offices souhaitant optimiser la transmission d’un patrimoine autour d’un projet commun ayant un sens. Notre mission est de les accompagner sur le long terme en leur faisant comprendre que l’acquisition d’une propriété viticole prend du temps et fait appel à de nombreux acteurs, à commencer par un notaire, un géomètre, un œnologue et un analyste des sols. »

Même question que pour la forêt, le réchauffement climatique remet-il en cause ce modèle ? Les spécialistes sont globalement d’accord pour penser que les décennies à venir rebattront les cartes du vignoble mondial, avec des cas de figure très différents terroir par terroir, certains perdant au change quand d’autres y gagneront. Place aux visionnaires, ce n’est sans doute pas un hasard si La Revue du Vin de France de mai 2023 consacrait un dossier aux nouveaux territoires viticoles français en Normandie, en Bretagne et dans les Hauts-de-France. Passion, quand tu nous tiens…

 

Les chiffres de la vigne en France 

796 000 hectares de vigne -  59 000 exploitations viticoles - 16 régions (Alsace, Bordeaux, Beaujolais, Bourgogne, Bugey, Champagne, Corse, Jura, Languedoc, Lorraine, Loire, Provence, Roussillon, Rhône, Savoie et Sud-Ouest) 4,69 milliards de litres produits / 1,3 milliard de litres exportés  245 millions de bouteilles de champagne vendues chaque année 14 % de vignes en agriculture biologique  46 % de récolte en appellation d’origine contrôlée (AOC) / 28 % en indication géographique protégée (IGP) / 8 % sans AOC-IGP / 19 % en eaux-de-vie (source : Agriculture.gouv.fr, 2020)

 

Par Laurent Caillaud 

Source : 25 millions de propriétaires et vous • N°575 ; juillet-août 2023

 

[1] Fédération nationale des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural